Accepter sa vulnérabilité
Même si on nous encourage aujourd’hui à écouter davantage nos émotions, à nous écouter, à nous montrer plus authentiques, il existe toutefois un paradoxe étonnant: dans le même temps, on nous demande d’être forts, de faire face à tous les obstacles que la vie met devant nous, de relever des défis permanents non seulement contre nous-mêmes mais aussi contre le monde extérieur.
Or, n’y a t-il pas un intérêt à nous autoriser à être vulnérable? N’a t-on pas le droit de ne pas toujours être des Superman ou Wonderwoman?
Il faudrait sans cesse être performants pour tout: dans sa vie de famille, professionnelle, intime, sociale, mais aussi d’un point de vue physique, sportif et même psychologique… Nous dépasser, atteindre nos objectifs, réussir à tout prix, performer, ne pas nous laisser aller, tels sont les mots ou expressions qui nous cernent de toute part. On demande à notre cerveau d’avoir un mental d’acier, à notre corps d’être beau et de réussir des exploits sportifs.
Tout ceci n’est-il pas épuisant?
Je voudrais donc refaire une place ici à l’importance de la vulnérabilité en la définissant mais aussi en montrant qu’elle n’est pas synonyme de lâcheté, fainéantise, ou faiblesse.
1. La vulnérabilité c’est quoi?
On la définit souvent comme traduisant une situation de faiblesse à partir de laquelle l’intégrité d’un être est affectée, diminuée ou altérée. Dans la vie courante, ce terme est associé à la fragilité, la sensibilité, mais surtout, reconnaissons-le, la faiblesse.
Faiblesse et vulnérabilité c’est pareil?
Il me semble pourtant erroné de confondre vulnérabilité et faiblesse. Fragilité serait peut-être un mot plus adapté. Et fragile n’est pas synonyme de faible.
Un bébé est fragile, cela ne signifie pas qu’il est faible. Il peut au contraire se montrer plein de vitalité. Si vous avez des enfants dans votre entourage, vous le constatez certainement.
Mais c’est aussi le cas lorsque l’on prend de l’âge, que l’on est malade, que l’on s’est blessé ou traverse tout simplement une période difficile de sa vie. Notre corps ou notre mental sont moins résistants que d’habitude. Et alors? En quoi cela diminuerait-il notre valeur, notre utilité dans la société? C’est juste une conséquence de l’existence. La vie n’est ni linéaire ni extraordinaire en permanence. Elle n’est pas exempte de tempêtes ni d’adversité. Nous devons juste apprendre à les traverser en montrant de la compassion et de la tendresse envers nous-même ou ceux qui s’y trouvent confrontés.
Nous traversons tous des moments où nous nous sentons plus fragiles, que ce soit d’un point de vue mental ou physique. Et c’est justement dans ces moments-là qu’au lieu de se sermonner, se secouer ou se culpabiliser de ne pas être au top de ses capacités, il est nécessaire de prendre du temps, de l’espace pour se ressourcer.
La vulnérabilité ferait donc plutôt écho au fait de « prendre soin », de protection, de mise en sécurité.
2. Les différents types de vulnérabilité :
. La vulnérabilité physique:
– Maladies, accidents, et handicaps
Il arrive malheureusement mais inexorablement que nous tombions malades ou que nous subissions un accident qui vient, à des degrés divers, nous clouer au lit, ou nous immobiliser pour un temps plus ou moins long.
On n’a donc pas le choix de se mettre en pause, de revoir son mode de fonctionnement, baisser ou cesser son activité habituelle pour se soigner, et c’est parfois difficile à vivre.
Notre vie change, pour un temps ou de façon plus définitive, et il faut modifier ses habitudes, ce qui n’est pas sans conséquences sur notre bien-être et notre humeur. Notre société, et nous-même par mimétisme, avons tendance à parfois vouloir nier cette détresse, à nous bousculer, à nous enjoindre à nous battre, pour se remettre en selle le plus rapidement possible.
Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, et il est vrai qu’avoir un état d’esprit positif aide à la guérison mais, il est bon aussi, d’accepter et de reconnaître que cette épreuve traversée amène son lot d’émotions désagréables, qui sont tout à fait légitimes et ne pas les refouler.
J’ai déjà écrit plusieurs articles sur l’accueil et la reconnaissance de ses émotions. Je vous invite à les consulter pour compléter cette lecture.
– Vieillissement et fragilité corporelle
Il en va de même lorsque l’on prend de l’âge et constatons que nous ne pouvons plus fonctionner comme avant. Là aussi, notre refus d’accepter le vieillissement (qui rappelons-le, est un processus normal et inéluctable) nous pousse à nier que nos capacités peuvent s’altérer ou à en souffrir.
Accepter que l’on vieillit ne signifie pas se mettre un pied dans la tombe! Au cours de notre vie, nos aptitudes physiques et intellectuelles ont évolué. Enfant, nous n’avions pas accès à certaines pratiques comme conduire ou résoudre des situations compliquées. À l’inverse, en devenant adulte, nous avons abandonné nos habitudes de bébé (téter, marcher à quatre pattes…). La vie est un processus ininterrompu et changeant, qui demande des adaptations, et des remaniements permanents.
La société prône tellement les valeurs de performance, de jeunesse, de rapidité et d’utilité, que nous en oublions qu’il existe d’autres manières de vivre. S’accorder du temps pour faire les choses, essayer, échouer, recommencer, être bienveillant envers soi-même sans que ce soit pour autant vu comme de la faiblesse ou une mise au rebut. Pour reprendre la métaphore de l’enfant, combien de fois êtes-vous tombé et vous êtes vous relevé avant d’apprendre à marcher? Pensez-vous que vous traitiez de nul ou d’incapable à ce moment-là? Un enfant accepte de tomber et se relève sans en faire un drame à chaque fois.
. La vulnérabilité émotionnelle :
– Les événements traumatisants et leur influence sur notre équilibre émotionnel
Parfois, ce n’est pas le corps qui nous lâche, mais les événements de vie qui nous mettent à terre. Un deuil, un traumatisme, un divorce, un licenciement, des difficultés économiques ou familiales, peuvent nous ébranler et nous faire perdre pied.
Là aussi, accepter que nous traversons une période difficile, ne pas nous en vouloir de vaciller, est important.
Vous remarquerez que l’on est d’ailleurs beaucoup plus dur envers soi-même face à ses manquements, que nous le serions avec nos proches. Diriez-vous à votre enfant, votre meilleur.e ami.e qu’il/elle est un minable de se laisser submerger par une situation difficile?
Je fais le pari que non.
Repérez votre dialogue interne, la façon dont vous vous traitez, ce que vous vous reprochez lorsque vous n’êtes pas à ce que vous qualifiez comme votre maximum.
On est souvent très sévère envers nous-même au lieu de nous encourager quand nous sommes dans la tourmente.
3. Les conséquence de la non acceptation de sa vulnérabilité:
. Impact sur la santé physique et mentale
Ne pas laisser exister sa vulnérabilité peut nous amener à aller au-delà de nos capacités physiques au risque de nous blesser ou nous exposer à des accidents. Le corps lâche car on lui en demande trop. Ce peut être le cas chez les sportifs de haut niveau mais aussi pour les personnes ayant une activité plus modérée mais qui n’écoutent pas les signaux envoyés par son corps.
D’un point de vue psychologique, on peut aussi aller trop loin, parfois même jusqu’à la dépression ou le burn-out, uniquement parce-qu’on a présumé de ses forces.
Ne pas être à l’écoute de ses émotions, ses besoins et ses ressentis peut conduire à l’épuisement.
. Augmentation du risque d’exploitation et d’abus:
De plus, comme on nous demande d’être toujours et de plus en plus performants, on peut craindre de perdre son emploi ou la reconnaissance, voire l’amour de ses proches si on ne répond pas à ces exigences, et devenir corvéable à merci. Beaucoup de personnes qui ne se donnent pas le droit d’avoir des moments de fatigue ou de simplement relâcher la pression, sont davantage susceptibles d’être celles à qui on en demande toujours plus. Parfois, les autres en abusent volontairement, car on est identifié comme quelqu’un qui ne sait pas dire non, mais il peut arriver aussi qu’à tout assumer, nos proches prennent l’habitude de se reposer sur nous pour la moindre chose.
Apprenez à reconnaître vos limites qu’elles soient physiques ou psychiques.
. Difficulté dans la réalisation des objectifs personnels
Enfin, ne pas accepter ses moments de vulnérabilité peut nous empêcher de réaliser nos objectifs dans le sens où, ne sachant pas quelles sont nos limites ou nos points de difficultés, on se lance parfois dans des projets dont on on a sous-estimé certains aspects. Souvent, quand on s’attaque à un projet qui nous tient à cœur, on fonce tête baissée et on ne compte plus les heures passées dessus, ce qui en soi est une bonne chose pour atteindre ses objectifs, mais on ne s’accorde plus assez de moments de pause pour recharger nos batteries. C’est pourquoi beaucoup d’auto-entrepreneurs ou personnes qui sont à leur compte, finissent par faire un burn-out.
4. Comment accepter sa vulnérabilité
. Reconnaître et accepter sa vulnérabilité
Nous venons donc de voir que la vulnérabilité est loin d’être une chose à bannir ou à combattre. Au contraire, savoir la reconnaître peut nous être très utile. Voyons donc comment faire pour mieux l’accueillir et en faire un véritable atout.
Les émotions et leur impact sur notre bien être :
Accueillir ses émotions, les aléas de la vie, les accepter, aide à lâcher prise sur le perfectionnisme. Arrêtons de vouloir être la meilleure version de nous-même! Ce terme est une aberration. Pourquoi vouloir toujours être le meilleur, faire tout parfaitement à chaque instant de notre vie? C’est impossible. Et puis meilleur que qui d’abord? Quelle est le référentiel? Qui le détermine?
Faire de son mieux, pour être au clair avec nos propres valeurs, nos envies, réussir nos projets, nous estimer, oui. Mais faire de son mieux ce n’est pas être le meilleur tout le temps. Vous verrez que certains jours, faire de votre mieux, ce sera juste aller vous doucher et vous échouer dans votre canapé! Et alors? Vous ferez différemment demain. Le mieux dont vous êtes capable fluctue en permanence.
Acceptez vos moments de mal-être comme transitoires. Ce n’est pas en les refoulant qu’ils n’existeront plus. Oui il y a des jours où on n’a ni la force ni le courage. Ça ne veut pas dire qu’on est nul.le ou incapable. La vulnérabilité n’est pas un état définitif. Lorsque c’est le cas, chouchoutez-vous.
. Renforcer son intelligence émotionnelle:
Une fois que l’on est à l’écoute de ses émotions, qu’on les traverse sans les craindre, on développe une véritable compétence pour traverser les challenges que la vie nous envoie.
C’est comme pour tout, plus vous travaillez une compétence, plus elle se développe, et la réponse est non seulement de plus en plus rapide, mais mieux adaptée.
Vous n’êtes plus autant submergé par vos émotions, elles deviennent des guides qui vous renseignent sur ce que vous pensez des épreuves que vous traversez et vous permettent de mieux les vivre. Par conséquent, vos comportements changent aussi.
. Chercher du soutien et des ressources
Lorsqu’on refuse sa vulnérabilité, on a tendance à vouloir se débrouiller seul. Comme si demander de l’aide ou du soutien était un acte de faiblesse. Au contraire, permettez à votre entourage de vous épauler dans les moments de doute, de fatigue ou de fragilité. Vous ne pouvez pas tout affronter seul et vous reposer sur quelqu’un, que ce soit un intime ou un professionnel, peut vous autoriser à souffler et reprendre des forces.
Reconnaître que l’on ne sait pas, que l’on a besoin d’aide, ne nous enlève ni valeur ni compétences. On se retrouve parfois face à des situations qui nous dépassent, et nous tourner vers quelqu’un qui a déjà vécu la même chose ou qui est simplement une oreille attentive, peut être très aidant.
5. Compassion et vulnérabilité
. L’importance de la bienveillance envers soi et les autres
Reconnaître sa propre vulnérabilité et accueillir celle des autres permet de diminuer cette pression à laquelle nous avons tous l’impression d’être soumis. Ne sommes-nous pas nous-même nos propres esclaves? Nous nous mettons bien souvent une barre et des objectifs à atteindre beaucoup plus hauts que ce qui nous est en réalité demandé. S’il est communément admis que se challenger un peu permet de réaliser davantage de choses, ne pas savoir reconnaître ses limites peut à l’inverse nous nuire.
. Encourager l’empathie et la solidarité
Soyons donc plus attentifs à nos propres signaux internes de fragilité mais également à ceux des autres. Acceptons cette vulnérabilité et voyons la comme une expression d’auto-compassion, une indulgence à l’impossibilité d’être parfait, et surtout, un besoin de ralentissement. Nous n’en serons que plus efficaces et mieux dans nos baskets.
Conclusion:
En résumé, pour mieux accueillir sa vulnérabilité et en faire une alliée:
. Intégrer qu’être vulnérable n’est pas du tout une mauvaise chose
. Savoir faire des pauses dans les moments où on est fatigué ou plus fragile
. Se chouchouter quand on la repère
. Accueillir les émotions qui viennent sans se culpabiliser
. Se parler gentiment et repérer nos discours internes intransigeants
. Mettre son perfectionnisme en pause: on n’a pas à être au top tout le temps et ce n’est pas un drame
. Déléguer à son entourage (qui ne va pas en mourir si on en fait un peu moins!)
. Se faire aider ou parler de ce qui nous arrive autour de nous
. Cultiver sa bienveillance et son empathie envers soi et les autres
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