L’hypersensibilité: un concept à la mode mais pas que
On ne peut plus ouvrir un magazine ou lire un post sur les réseaux sociaux sans que ce terme pointe le bout de son nez. Je ne vous apprends rien, l’hypersensibilité est à la mode!
Pourtant, derrière cette notion générique devenue fourre-tout, se cache une réelle problématique que partagent de nombreuses personnes, et qui n’est pas toujours simple à appréhender.
Même s’il est plutôt de bon augure que de plus en plus de gens s’y intéressent aujourd’hui, avec la multitude de livres et d’articles consacrés à l’hypersensibilité, il est dommage que sa banalisation, et surtout le résumé grossier qu’on en fait parfois (à savoir les hypersensibles sont des gens qui ressentent les choses plus fort que tout le monde et qui ne savent pas gérer leurs émotions), n’aide en rien les véritables intéressés, mais j’y reviendrai.
Le livre qui m’a éclairée:
En ce qui me concerne, j’ai découvert le concept il y a une dizaine d’années et un peu par hasard, lorsque ce livre m’est tombé dans les mains: « Ces gens qui ont peur d’avoir peur », d’Elaine N.Aron. Un titre un peu bizarre, on en conviendra, dû à un choix de traduction que je trouve un peu discutable, mais passons, c’est le sous-titre qui m’a attirée: « Mieux comprendre l’hypersensibilité. »
Dans ce livre, l’autrice, une psychologue américaine spécialisée dans l’étude de la sensibilité et de la personnalité hautement sensible, explique comment se manifestent l’anxiété et la peur, chez ces sujets en particulier.
Une sensibilité émotionnelle et sensorielle exacerbée
Elaine Aron insiste sur le fait que ces personnes avec une sensibilité émotionnelle élevée, réagissent de façon plus intense aux stimuli émotionnels et physiques ou environnementaux, et cela en raison de différences biologiques et génétiques de leur système nerveux. Elle explique aussi que l’hypersensibilité est une caractéristique présente chez près de 20% de la population donc loin, d’être un phénomène mineur.
De façon plus concrète, ces personnes peuvent réagir de façon très intense aux bruits, aux lumières accrues, à des situations sociales intenses, ou à l’exposition à des contenus violents, ce qui augmente leur mal-être et leur anxiété, et peut générer beaucoup d’incompréhension, voire d’exaspération chez leur entourage. Il me semble que c’est peut-être même davantage ce sentiment d’incompréhension, de stigmatisation, et parfois à l’extrême, de se croire fou ou folle, qui est source de souffrance chez nombre d’hypersensibles.
Elaine Aron encourage néanmoins à faire de cette spécificité une force, une idée aujourd’hui partagée par de nombreux spécialistes de la question, et à apprendre à reconnaître les situations ou les stimuli qui perturbent spécifiquement chaque personne hypersensible pour que celle-ci puisse adapter son environnement et vivre mieux.
Elle donne enfin des exemples de techniques de gestion du stress, de relaxation, de respiration ou de méditation, et conseille, le cas échéant, de se tourner vers des techniques de psychothérapies comme les T.C.C (Thérapies Comportementales et Cognitives) qui peuvent être adaptées si cela devient source de trop de souffrance.
A la lecture de ce livre, j’avais été abasourdie de n’avoir jamais entendu parler de cette notion, ni autour de moi, et encore moins au cours de mes études de psychologue. J’ai terminé mon cursus il y a quelques décennies maintenant, et je ne sais pas si cela fait désormais partie de l’enseignement en psychologie.
En tout cas, pour moi, cela a changé beaucoup de choses, et notamment peut-être la plus importante, l’image que cela me renvoyait de moi. « Non », mes réactions à certaines situations n’étaient pas bizarres, elles avaient une explication, et de plus, je n’étais pas la seule. Parfois, on ressent un certains réconfort à mettre des mots, une signification, sur quelque chose qui nous fait souffrir.
Après la découverte de ce livre, que j’ai fait lire à plusieurs personnes de mon entourage, car pour moi, il était essentiel de faire comprendre ce que je ressentais, j’ai cherché à me documenter davantage sur le sujet, et au début, les publications étaient peu nombreuses et essentiellement en anglais.
Puis, on a vu quelques titres apparaître dans les librairies, et de plus en plus nombreux, ce dont je me réjouissais. Enfin, le quotidien vécu par les hypersensibles sortait au grand jour, et davantage de gens pourraient se documenter et apprendre à mieux vivre cette « différence » ou à aider leurs proches!
Quand un concept devient à la mode
Mais il y a un revers de la médaille, car il y en a toujours un. Avec la surabondance de livres sur le sujet, et qui, spoiler alert, ne réinventent pas la roue (on ne fait souvent que répéter les mêmes concepts en long, en large et en travers), est apparue une tendance à généraliser, à simplifier à l’extrême, et à banaliser, ou à dénigrer, mais aussi à encenser. On déforme ce qu’est vraiment l’hypersensibilité, on range tout et n’importe quoi dans cette catégorie, et au final, on décrédibilise les personnes qui sont réellement concernées.
Un autre écueil qui a fait son apparition, c’est que Tout le monde finit par se dire hypersensible! Je m’explique, on a une fois de plus, affaire au problème du phénomène de mode. Quand un concept devient tendance, tout le monde veut se l’approprier et surfer sur la vague, faire du profit dessus, et on exploite le filon jusqu’à la moelle, jusqu’à ce qu’un nouveau sujet se mette a passionner les foules.
Alors non, tout le monde n’est pas hypersensible! Ne confondons pas tout. Tout être humain est doué de sensibilité, certaines choses peuvent le toucher à des degrés très différents, et il peut se sentir submergé par moments, se sentir vulnérable. Mais être hypersensible, ce n’est pas juste avoir la larme facile ou s’émerveiller devant un paysage sublime. Certaines caractéristiques sont plus faciles à vivre que d’autres, mais il y a aussi des côtés beaucoup moins sexy. Donc, il n’y a rien à revendiquer, ne vous inquiétez pas, même si ça semble être tendance en ce moment, on ne vous en voudra pas si vous ne l’êtes pas, et ça ne fera pas non plus de vous quelqu’un d’horrible et sans coeur.
De toute façon, quand la mode passera, les gens se jetteront sur un nouveau concept, et les hypersensibles, eux, auront toujours à vivre avec, et à adapter leur mode de vie pour mieux la vivre au quotidien.
Il me semble donc essentiel de faire attention avec cette mode des concepts émergents, notamment en ce qui concerne la santé mentale, car comme son nom l’indique, il s’agit de la santé des gens. Et on ne peut pas dire et faire n’importe quoi avec.
Le nouveau graal en santé mentale: la gestion des émotions
De plus, on lit souvent qu’on devrait devenir experts en gestion des émotions. Or, on ne doit pas gérer ses émotions! On doit simplement apprendre à les identifier, les accepter et à comprendre ce qu’elles veulent nous dire. Loin d’être des entités dangereuses, se sont de puissants indicateurs de notre état intérieur.
L’hypersensibilité n’est ni honteuse ni glorieuse
Être hypersensible n’est ni une pathologie, ni une tare, ni un étendard à brandir au-dessus de sa tête, c’est une caractéristique que présentent certaines personnes et qui doivent apprendre à l’utiliser pour qu’elle leur apporte le meilleur dans leur vie, mais ne l’entrave pas non plus.
De plus, il y a mille façon d’être hypersensible, cela ne se manifeste pas de la même façon chez tout le monde. Vous pouvez avoir une sensibilité sensorielle exacerbée et certains sens plus accentués que d’autres, mais cela peut aussi se jouer dans vos relations aux autres, ou varier selon l’environnement ou les moments de votre vie.
Voilà ce que je voulais partager avec vous au sujet de l’hypersensibilité. Je pourrai faire d’autres posts à ce sujet si cela vous intéresse, et n’hésitez pas à me poser vos questions si vous le souhaitez.
En attendant, vous pouvez passer le test d’Elaine Aron pour savoir si vous êtes hypersensible, pour vous faire une première idée. Le mieux étant d’en parler ensuite avec un spécialiste comme un psychologue, si certains aspects de votre personnalité vous gênent ou vous font souffrir. Mais je vous rassure, on peut très bien vivre son hypersensibilité, et c’est ce que je vous souhaite d’ailleurs, car elle peut être source d’une grande créativité!
Bibliographie
Je vous donne quelques titres de livres que j’ai lus et aimés sur l’hypersensibilité, la liste n’étant bien évidemment pas exhaustive, et il y a eu de nombreuses parutions plus récentes ces dernières années. Aujourd’hui, je ne lis plus tout ce qui sort sur l’hypersensibilité, il y en a beaucoup trop, et ils reprennent bien souvent les mêmes notions. Tournez-vous vers celui qui vous parle le plus!