Comment le dessin a diminué mon anxiété ?
Nous vivons dans une société de plus en plus anxiogène, et nombreuses sont les personnes qui tentent d’enrayer leur anxiété à l’aide de différentes techniques que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter. Voyons cette fois comment le dessin peut vous aider à calmer votre mental, et vous plonger dans un état de flow en mettant à distance vos émotions désagréables. L’art thérapie peut vous aider à canaliser vos états de stress.
Comme nous l’avons déjà vu dans un article précédent sur l’anxiété et les différentes manières de la diminuer, pratiquer une activité qui détourne votre attention des pensées négatives qui tournent en boucle dans votre tête, peut être très bénéfique.
L’art, à travers la recherche du beau, peut s’avérer utile, mais nous verrons qu’il n’est pas nécessaire de créer des oeuvres extraordinaires pour profiter de ses bienfaits.
1. Comment dessiner m’a aidée à chasser mes idées noires?
Il y a quelques années, alors que je traversais une période compliquée de ma vie, (oui, les psys connaissent aussi des moments difficiles comme tout être humain), j’avais pris l’habitude d’écrire des poèmes dans lesquels je retranscrivais les émotions qui me submergeaient. Comme je l’ai déjà dit dans un article précédent, l’écriture est un formidable médium pour sortir de soi des sensations qui nous envahissent. Je transformais également ces textes en chansons dont je composais la mélodie sur ma guitare.
Rapidement, je me suis retrouvée en possession d’une bonne quantité de textes, que j’ai eu envie de réunir dans un recueil, et l’idée de les illustrer me semblait la suite évidente à donner à cette matière. À cette époque, je ne savais pas dessiner, ou disons que mes talents graphiques égalaient ceux d’une enfant de 4 ans.
J’ai donc pensé dans un premier temps, à trouver un illustrateur qui retranscrirait mes textes en dessins, mais j’avais peur de ne pas trouver la personne qui sache réellement adapter ce que je ressentais au plus profond de moi.
Je pense qu’en réalité, je sentais déjà que j’avais envie de mettre moi-même en images mes propres émotions.
Alors comment faire quand on ne sait pas dessiner?
J’ai commencé par réaliser des choses plutôt abstraites, pas besoin que cela soit ressemblant ou figuratif donc. Je me concentrais sur les formes, les couleurs, la gestuelle, la texture (j’ai commencé à la peinture acrylique), et je me suis rendu compte que cela me procurait beaucoup de plaisir.
De plus, j’ai découvert que durant ces moments de grande concentration (de part mon inexpérience), j’étais toute entière à ce que je faisais, je ne pensais à rien d’autre qu’à mon activité de dessin. Je relevais la tête des heures plus tard sans avoir l’impression qu’une bonne partie de la journée avait passé et surtout, sans que je rumine mes pensées négatives habituelles.
Le dessin me fournissait donc un moment de répit, durant lequel je ne ressentais plus les pensées et les sensations désagréables qui me perturbaient habituellement.
Petit à petit, mon dessin s’est précisé, j’ai suivi des cours en ligne, des tutos sur Youtube, consulté des livres pour améliorer mon trait, et réalisé des dessins de plus en plus figuratifs. Puis, j’ai abandonné le style abstrait. De fil en aiguille, je suis passée au dessin numérique, puis à l’aquarelle, en ayant l’envie de progresser toujours plus, d’aller toujours plus loin.
Mais je gardais l’esprit de départ: tous mes dessins représentaient mes états intérieurs, mes émotions, les événements pénibles ou heureux que je traversais, mais que je transformais pour en faire quelque chose de « beau » ou d’universel car je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule à ressentir ce mal être qui me rongeait jusque là.
2. Le dessin, une solution aux états dépressifs ou pour diminuer son anxiété?
Est-ce que le dessin m’a sauvée? Cela peut sembler grandiloquent de le formuler ainsi mais je crois que ça a en effet aidé à ma guérison.
Que l’on ne se méprenne pas, je ne dis pas que le dessin est magique et que cela sauve des états dépressifs ou pathologiques, je n’ai d’ailleurs pas d’études scientifiques à vous présenter pour étayer un tel propos. Mais j’ai pu constater à de nombreuses reprises et sur d’autres personnes que moi, que cela avait un effet extrêmement bénéfique, et il me semble que c’est déjà en soi une excellente nouvelle.
3. Le dessin comme moyen d’expression:
Tous les enfants dessinent avant qu’on leur apprenne à lire et à écrire. Pourquoi? Car c’est un moyen pour eux d’exprimer ce qu’ils vivent, ressentent, alors qu’il n’ont pas encore le vocabulaire pour verbaliser leurs émotions. C’est un médium qui est naturel chez eux et la psychologie se sert parfois de leurs productions pour décoder ce qu’ils ne parviennent pas toujours à exprimer par la parole.
Beaucoup d’entre vous ont sans doute arrêté de dessiner une fois qu’ils ont appris à verbaliser. Pourtant, reste cachée en chacun d’entre nous, cette capacité à dire avec des crayons, de la peinture, des dessins, ce qui se trouve à l’intérieur. Si la parole est beaucoup exploitée en thérapie, elle n’est pourtant pas le seul vecteur utilisé pour accéder à votre moi profond. Parfois, on n’a pas les mots mais la couleur, la forme, le trait, peut dire beaucoup. L’art thérapie peut être une technique très intéressante à utiliser avec des patients qui ne réussissent plus à s’exprimer avec les mots, qu’ils aient vécu ou non des traumatismes.
4. Est-ce que ça fonctionnera pour vous?
Je n’en sais rien, là aussi, vous devrez tester. Je sais que quand on souffre d’anxiété, on est à la recherche de solutions miraculeuses et universelles, mais il serait mensonger de vous faire cette promesse. Les miracles en psychologie, ça n’existe pas. En revanche, on peut travailler sur ses difficultés et découvrir les techniques qui aident à s‘apaiser. Ce ne sont pas les mêmes pour tout le monde. C’est aussi ce qui rend l’étude la psyché passionnante selon moi. Nous sommes tous uniques et nous devons devenir l’explorateur qui découvre son propre fonctionnement.
Donc, la pratique du dessin ou n’importe technique artistique ou corporelle dont je vous parlerai sur ce site, ne sont pas des solutions miracles. Si vous avez des troubles psychiques, que vous traversez des moments pénibles que vous ne parvenez pas à surmonter, tournez-vous en priorité vers un professionnel de santé mentale. Il est important de se faire aider par une personne sérieusement formée au soin psychique.
Mais, rien ne vous empêche de mettre en pratique ces techniques en parallèle et en complément d’un suivi thérapeutique, car cela ne peut être que bénéfique pour vous aider à mettre en lumière vos émotions et vos besoins, à mieux vous connaître, et à comprendre ce qui se joue à l’intérieur de vous.
5. L’art thérapie: Pourquoi extérioriser ses émotions à l’aide d’une technique artistique peut être aidant?
Comme je l’ai déjà abordé dans de précédents articles, nos émotions viennent nous donner des informations sur la façon dont nous appréhendons les situations que nous vivons.
Or, pour certaines personnes, cela peut être difficile de mettre des mots ou des ressentis sur ce qui se passe à l’intérieur. On n’a pas toujours les codes, le vocabulaire, ou on ne nous a pas toujours appris à comprendre ce qui nous traverse. La pratique d’une activité artistique, que ce soit la peinture ou le dessin, mais aussi la musique, la danse, le chant, le cinéma ou regarder des oeuvres d’art dans un musée, peut réveiller ces émotions et les ramener à notre conscience de façon plus aisée.
N’avez-vous jamais remarqué combien une chanson ou un film parvenait à vous tirer des larmes, alors même que nous n’avez pas une tendance à pleurer facilement ? La musique a cette faculté assez universelle de réveiller nos émotions enfouies. De plus, les événements de notre vie sont souvent corrélés à des chansons diffusées à cette période, et qui lorsqu’on les entend, nous replongent dans ces moments. La mémoire auditive et olfactive peut-être un excellent moyen de susciter des émotions. Pour l’art pictural, c’est parfois plus subtil mais certaines personnes y sont particulièrement sensibles et la simple vue d’un tableau peut leur mettre les larmes aux yeux.
Trouvez ce qui vous parle le plus ou ce qui fonctionne le mieux pour vous. On n’a pas tous la même sensibilité ni les mêmes attraits selon les médiums.
Regarder de l’Art peut aider, c’est vrai, mais créer soi-même, permet selon moi d’accéder à un niveau plus profond, dans la mesure où nous mettons nous-mêmes en scène nos propres états émotionnels.
6. Le Flow: Quand on pratique une activité qui accapare notre attention, cela nous détourne de nos tourments
Je parlais de flow au début de cet article. Pour ceux qui ne connaissent pas le terme, le flow est un concept défini par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi pour décrire un état mental dans lequel le sujet est complètement absorbé et engagé dans une activité. La concentration et l’immersion dans la tâche accomplie plongent la personne dans un espace de temps suspendu dans lequel elle se sent pleinement engagée et satisfaite. Elle perd alors la notion de temps et d’espace, et en ressent de la gratification ainsi qu’un accomplissement personnel. L’état de flow peut être obtenu lors de la pratique d’une activité artistique, sportive ou tout autre genre d’activité qui procure ce bien être et ce temps suspendu.
Lorsque vous êtes pris dans le flow donc, votre cerveau est tout entier dévoué à la tâche que vous êtes en train d’accomplir, et il ne rumine pas les pensées qui le hantent d’habitude. Pour les personnes en proie à ces pensées chronophages et épuisantes, ce peut être un véritable moment de répit et de « repos » pour l’esprit.
Trouvez l’activité qui vous plonge dans le flow. Pour moi, c’est le dessin, mais pour vous, ce sera peut-être autre chose, l’essentiel est de découvrir laquelle. Pour cela, il vous sera sans doute nécessaire de tester de nombreuses choses. Vous en abandonnerez en route, peu importe, jusqu’à ce que vous trouviez la bonne.
Si cela peut vous rassurer, avant de trouver le dessin, j’ai testé la poterie, le tricot, la danse, le yoga, la lecture, le jardinage,… Même si ces activités m’ont fait beaucoup de bien, et que j’en pratique toujours certaines, aucune ne permet de couper mon débit de pensées comme peut le faire le dessin. Je peux tout à fait continuer à ruminer en pratiquant le yoga ou en lisant, alors que dessiner stoppe tout. Trouvez donc votre flow.
7. Créer quelque chose qui sort de soi
Un dernier point qui me semble important dans cette quête de l’activité qui met nos pensées en pause, c’est le fait de créer quelque chose.
Créer un objet, un dessin, un gâteau, une céramique, une tricot…permet selon moi de sortir ses émotions hors de soi dans quelque chose qui le matérialise concrètement.
En mettant vos émotions dans une poterie par exemple, vous mettez de la distance entre elles et vous, et elles ne continuent plus de tourner en vous comme des poulets sans tête.
Il est nécessaire que cette énergie soit réincarnée dans autre chose pour ne plus continuer à vous hanter. En d’autres termes, créer à partir des ses émotions permet de les explorer de façon plus bénéfique.
8. Voir les situations sous un angle différent:
En ce qui me concerne, j’ai également constaté que transformer mes émotions ou les situations que je vivais en dessins humoristiques, me permettait de leur faire perdre de leur emprise sur mon mental ou de « me moquer » de moi-même. Loin de minimiser ce que je ressens, cela me permet, comme dans le travail de modifications des pensées, de voir la situation sous un angle différent et de dédramatiser. En effet, en tant qu’hypersensible ou personne anxieuse, on a souvent tendance à appréhender les événements que l’on traverse comme des situations anxiogènes voire dramatiques, et intégrer de l’humour dans ces cas-là, fait redescendre la pression ou remet les choses en perspective.
9. Les zentangles ou dessins répétitifs:
Créer quelque chose de beau n’est pas le but recherché dans la pratique du dessin pour diminuer son anxiété. La mise en mouvement du corps, la sensation physique liée au toucher du papier ou de la peinture, peuvent être suffisantes pour être bénéfiques.
Toutefois, pour ceux qui ne parviennent pas à se satisfaire de leurs productions artistiques, il existe des techniques plus cadrées et moins intimidantes que de se lancer face à une feuille blanche.
Vous avez sans doute vu passer sur les réseaux sociaux les zentangles, ces carrés divisés en sections, et remplis selon des motifs répétitifs ou géométriques, qui demandent patience et précision, et peuvent ainsi canaliser votre anxiété. De nombreuses personnes vantent le bien être que cela leur procure et se filment en train de les réaliser. En ce qui me concerne, je pense que c’est trop répétitif ou automatique pour « tromper mon esprit », qui continue de tourner en arrière-plan.
Mes pensées ne se dissolvent donc pas dans les zentangles, mais je vous invite à essayer, car cela fonctionnera peut-être pour vous. Cela peut aussi être un excellent moyen de s’initier au dessin quand on se sent trop novice pour aborder des projets plus intimidants.
Conclusion:
La pratique du dessin a véritablement changé ma vie, sans faire d’effets de style, dans la mesure où elle m’a aidée à canaliser mes pensées néfastes, mais aussi autorisée à extérioriser mes émotions. Je vous invite à trouver une pratique qui accapare totalement votre attention pendant plusieurs minutes voire quelques heures, car cela vous permettra non seulement de souffler un peu si votre anxiété vous malmène, mais vous donnera aussi l’occasion de faire quelque chose de cette matière stressante.
Etre anxieux n’est pas une tare, loin de là, mais cela peut être pénible à vivre. Et donner du sens à cette anxiété, lui permettre d’exister en dehors de vous, de la communiquer (si vous exposez ou partagez le résultat avec les autres), peut vous aider à y voir plus clair. Vous constaterez que vos états d’anxiété ne produisent pas que des inconvénients, mais peuvent se transformer en magnifiques créations.
De plus, cela peut être l’occasion d’ouvrir la discussion avec votre entourage, et boostera votre estime de soi en mettant au grand jour des capacités que vous ne soupçonniez même pas.
Si vous m’aviez dit il y a 20 ans que je dessinerais un jour, je vous aurais ri au nez, et pourtant… c’est devenu aujourd’hui l’une de mes plus grandes passions.